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26 mai 2017 5 26 /05 /mai /2017 12:26

Vers le retour des godillots

Le président n'a jamais exercé de mandat local, encore moins de mandat parlementaire. Mais il a une idée sur le fonctionnement du Parlement. On connaît son inflexibilité sur sa décision de réformer encore le droit du travail en ayant recours aux ordonnances, histoire d'aller très vite, de prendre les syndicats et la gauche de court. Sa hantise : une nouvelle levée de boucliers dans la rue et des navettes parlementaires qui ralentiraient la mise en œuvre de sa réforme dont on sait qu'elle aggravera la loi El Khomri.

Mais recourir aux ordonnances pour faire passer en priorité des mesures antisociales, donnant des garanties au patronat, aura aussi valeur de symbole. Le démantellement du Code du travail (avec aussi la réforme des Prudhommes, celle de la protection sociale, etc.) sonnera le lancement d'une autre réforme : celle du Parlement. Et ici, le modernisme qu'entendent incarner Emmanuel Macron et « La République en Marche » ne seront rien d'autre qu'une attaque en règle de notre démocratie.

Ne semblant craindre personne, le nouveau chef de l'État explique vouloir rendre le travail parlementaire plus efficace et plus fluide. Pour y parvenir, il propose un remède de cheval : suppression d'un tiers des députés ; réduction du temps législatif à trois mois (actuellement, le Parlement peut légiférer durant 9 mois, d'octobre à fin juin, et des sessions extraordinaires sont possibles de juillet à septembre) ; utiliser la procédure accélérée pour examiner les lois ; interdire la présentation à l'Assemblée des amendements rejetés en commission.

En clair, le projet de réforme du Parlement vise à faire adopter dans des délais très courts les lois voulues par le pouvoir, à limiter le temps de légiférer des élus au profit du contrôle parlementaire, à neutraliser le rôle des parlementaires en limitant les débats, à empêcher la possibilité de réorienter une loi. Pour de l'inédit, c'est de l'inédit. Avec un texte pareil, les parlementaires seront aux ordres de l'Élysée et de Matignon. Cela revient à leur subtiliser leur pouvoir législatif pour l'offrir au gouvernement !

Les conséquences seraient désastreuses. Avec moins de députés, le pluralisme sera réduit et les citoyens seront encore plus éloignés de leurs élus. Naturellement, le mouvement social en pâtira. C'est donc vers du présidentialisme pur et dur que dirige ce projet. La campagne législative qui vient de s'ouvrir constitue un dernier rempart contre les dangers qui menacent le peuple.

Philippe ALLIENNE

(Billet publié par Liberté Hebdo n°1273 du 26 mai 2017)

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18 mai 2017 4 18 /05 /mai /2017 21:26

Polis - Civitas

 

A priori, l'observateur qui assiste à la constitution du gouvernement Philippe a bien du mal à s'y retrouver. Les codes ont changé. Certes, le candidat Emmanuel Macron avait prévenu qu'il surprendrait et que sa volonté de « renouvellement » serait pour bonne part à l'origine de cette surprise. De fait, le chroniqueur politique de la Vème République se sent un peu coincé, comme l'étaient dans les années soixante, les critiques littéraires puis, plus tard et de de façon plus amplifiée, les critiques cinématographiques qui découvraient des auteurs comme Alain Robbe-Grillet. Entre autres.

Est-ce à dire que le nouveau président serait l'inventeur d'une nouvelle politique à l'image du nouveau roman ou d'un autre cinéma du siècle passé ? Ce n'est pas si simple. Changer les codes ne suffit pas, la politique qui s'annonce ne sort pas tant qu'elle le voudrait paraître des sentiers battus.

Le quotidien « Le Monde », qui n'est pas celui du Grand Soir, rappelle que le premier ministre Édouard Philippe est « petit-fils de docker du Havre, arrière-petit-fils du premier encarté communiste de la ville ». La belle affaire, pour celui qui nomme au ministère de « l'Europe et Affaires étrangères » celui qui a détruit le statut des dockers, en 1992.

Certains médias se pâment devant une liste de 18 ministres et 4 secrétaires d'État dont la moitié est issue de la société civile. Notre nation devrait-elle ainsi se féliciter de l'arrivée de Françoise Nyssen, jusque là inconnue sauf dans le monde de l'édition, au ministère de la Culture ? Certes, elle ne se trompera pas en citant « La Modification » de Michel Butor. Mais encore ? L'ex-directrice des éditions Actes Sud, macroniste déclarée durant la campagne présidentielle, a-t-elle une réelle vision politique de la culture ? Peut-être faudrait-il le demander à la comédienne nordiste Corine Masiero qui, à l'occasion, n'hésite pas à passer une nuit sur les toits pour défendre le statut d'intermittent du spectacle.

Onze membres « issus de la société civile » sur 21. « C'est énorme ! » clamerait Lucchini. Une éditrice à la Culture, un médecin à la Santé, une championne olympique aux Sports, un spécialiste du numérique au Numérique, une présidente d'Université (et biochimiste) à l'Enseignement supérieur.... Pourquoi pas ? Mais cela nous rappelle le pouvoir des technocrates.

Au sens où l'entendait Cicéron, la société civile correspondait à une unité politique de la cité, c'est-à-dire à une communauté de citoyens constituée dans le but du « bien vivre ». Ce n'est pas ce que préconisent Emmanuel Macron et le gouvernement qui se préfigure. Dans la gouvernance, mais aussi dans la philosophie de ce qu'il faudra bien appeler le « système Macron » (le macronisme?), l'économie va primer et sera dépendante de la communauté européenne telle qu'elle existe aujourd'hui.

En ce sens, la société civile telle qu'on l'entend maintenant a peu de chance d'agir sur l'État. Elle les a toutes de se recomposer dans l'État. Sous la marque du libéralisme le plus dur.

 

Philippe ALLIENNE

(Billet publié dans Liberté Hebdo n° 1272 du 19 mai 2017)

 

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13 mai 2017 6 13 /05 /mai /2017 20:13

Combattre la politique de Macron

Il ne faut donner aucune chance au huitième président de la Vème République. Il n'est certes pas le premier président élu contre un candidat dont les Français ne voulaient pas ou ne voulaient plus. Il est vrai que son résultat dépasse celui de nombre de ses prédécesseurs. Cela n'empêche, on ne peut faire croire qu'il s'agit d'un large score d'adhésion.

Que sa légitimité présidentielle ne puisse être remise en cause n'est pas la question. Emmanuel Macron n'est pas un ovni de la politique comme pourraient tenter de le laisser penser les portraits dithyrambiques dont nous ont abreuvés, ces derniers jours, les chaînes de télévision, les radios, les journaux.

Félicité dès sa victoire par Angela Merkel, appelé par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à « faire des réformes douloureuses et à investir là où il faut », le nouveau président sera d'abord l'allié fidèle d'une Europe libérale. Celle qui nous impose la rigueur et l'austérité. Il ne saurait passer, comme nous l'avons trop entendu depuis ce dimanche 7 mai, pour un homme libre et indépendant. Il est et reste celui de la finance et du libéralisme qui écrasent les peuples.

Dans le domaine social, les grandes lignes faussement généreuses de son programme ne peuvent nous tromper. Les salariés pourront toujours se satisfaire d'une « prise en charge à 100% de leurs lunettes et de leurs prothèses auditives et dentaires d'ici 2022 ». Ils apprécieront beaucoup moins l'aggravation d'une loi travail qu'ils ont durement combattue l'an dernier et que certains éditorialistes qualifient de « très timide ».

Sans faire l'inventaire des mesures qui nous attendent quant à la nouvelle casse du Code du travail, (nous en aurons tout loisir dans les semaines et les mois qui arrivent), nous pouvons déjà nous attendre à la réforme prudhomale. Lorsqu'il était ministre de l'Économie, en 2015, Emmanuel Macron avait déjà voulu plafonner les indemnisations accordées par les prud'hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. La loi Macron sur la croissance et l'activité prévoyait des planchers (il faut bien protéger les salariés!) et des plafonds pour les indemnités. Car il s'agit de donner aux entreprises « une visibilité et une assurance qui permettront de lever les freins à l'embauche ». Le projet de loi tenait notamment compte de l'ancienneté du salarié mais aussi de l'effectif de l'entreprise. Mais à l'époque, le Conseil constitutionnel avait censuré ce dernier critère.

La loi El Khomri avait essayé de réintégrer cette mesure. La mobilisation avait finalement dissuadé le gouvernement. Nul doute que le nouveau président, qui promet de laisser ses ministres travailler, espère voir aboutir ce type de réforme. Les députés de gauche auront du pain sur la planche. La rue aura son mot à dire.

 

Philippe ALLIENNE

(Billet publié par Liberté Hebdo n° 1271 du 12 mai 2017).

 

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4 mai 2017 4 04 /05 /mai /2017 20:00

Un non-débat

L'indigence, pour ne pas dire la nullité de ce qui était présenté comme le débat de l'entre-deux tours, doit-elle nous étonner ? Face au calme d'Emmanuel Macron, l'agressivité, le cynisme et la bêtise de Marine Le Pen auront eu le mérite de reposer les termes du choix qui se présente ce dimanche 7 mai. D'un côté, un ultra-libéral qui ne fera pas de cadeau. Son projet de loi travail, sa conception du marché du travail, sa résolution à utiliser la voie des ordonnances, etc. ne peuvent être de nature à nous rassurer. Au moins, les choses sont-elles clairement établies : la lutte des classes est plus que jamais à l'ordre du jour. Nous serons sur le terrain.

 

Mais face à lui, les spectateurs de cette triste soirée auront eu le loisir de découvrir (ou redécouvrir) la vraie nature de Marine Le Pen : une fasciste qui se moque de la vérité, qui se gausse de la réalité des travailleurs, qui n'a cure du peuple. Elle est uniquement mobilisée sur le projet le plus néfaste et le plus funeste qui pourrait nous être imposé si d'aventure son nom sortait des urnes.

 

Les États-Unis avec Donald Trump, la Hongrie avec Viktor Orban, la Pologne avec Jaroslaw Kaczynski, la Turquie avec Tayyip Erdogan, la Bulgarie avec l'arrivée probable au gouvernement des Patriotes unis (trois partis d'extrême-droite). La liste est déjà longue et les exemple nombreux de ce qui nous arriverait si, d'aventure...

 

Nationalisme, attaques en règle contre la liberté de la presse, la liberté syndicale, la liberté associative, la liberté de vivre sa sexualité, droit des femmes bafoués, justice confisquée, régression sociale, expression politique rabotée, politique anti-immigration, renfermement, racisme et xénophobie, etc. Ces atteintes aux libertés individuelles et publiques sont à l'œuvre dans les pays qui se sont laissés séduire par les réactionnaires et l'extrême-droite.

 

A quelques jours du second tour, faut-il vraiment encore expliquer que le fascisme vit dans les gènes du Front national et que la dédiabolisation dont s'ennorgueillit sa candidate n'est qu'une vaste et sinistre plaisanterie ? Il est plus que temps de prendre conscience que le pire est à venir si l'on n'y prend garde. 

 

Mercredi soir, le débat n'était pas au rendes-vous. Dimanche 7 mai, il ne doit pas y avoir débat sur le choix du bulletin, ni sur celui du choix (trop dangereux) de ne pas choisir. En 2002, nous avons su nous mobiliser massivement dans la rue pour dire « non » à la présence du candidat fasciste. Quinze ans plus tard, il nous faut résolument faire barrage à sa successeuse. Et nous préparer à un avenir de lutte sociale.

 

Philippe ALLIENNE

 

(publié dans Liberté Hebdo n°1270 du 5 mai 2017)

 

 

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28 avril 2017 5 28 /04 /avril /2017 16:07

Non, encore et toujours,

à l'extrême-droite !

A peine annoncé dimanche soir, à l'issue du premier tour de la présidentielle, le bon résultat du candidat de gauche fait place à la désillusion face au choix qui se présente le 7 mai. La tempête fait rage sous de nombreux crânes progressistes. La peste et le choléra sont souvent évoqués. Le spectre de l'élection de 2002 est convoqué.

Mais nous ne sommes plus en 2002. En 15 ans, notre pays a terriblement changé. Les réformes réactionnaires menées sous les gouvernements Raffarin (confiées à François Fillon) puis sous les gouvernements Fillon, la signature traîtresse du traité de Lisbonne, les lois scélérates durant le quinquennat qui s'achève, les interventions guerrières menées en Afrique et au Proche-Orient, etc. n'ont eu pour objectif et résultat que de renforcer le pouvoir de la finance et du modèle libéral.

Durant ces quinze dernières années, le développement de l'extrême-droite et de son idéologie fasciste s'est réalisé à l'ombre du libéralisme grandissant. « Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial» (Karl Marx). Lequel des deux candidats à la présidentielle se sent le mieux investi pour mener une « ère nouvelle » ? Dans un cas comme dans l'autre, il nous faudra mener la lutte pour nos droits, pour le progrès social, pour la justice, la liberté des citoyens, l'égalité, la fraternité.

Dès lors, la question de se prononcer pour la peste ou le choléra ne se pose plus en ces termes. Ce n'est pas le choix qui est rude, c'est notre avenir si nous laissons faire. Or, force est de constater qu'il nous faut procéder dans l'ordre. Ne pas se tromper d'ennemi. Le risque est en effet énorme si, le 7 mai, nous laissons la moindre chance au fascisme et à sa candidate. L'attitude arrogante d'Emmanuel Macron, dimanche soir lorsqu'elle réveille des tropisme sarkoziens, la manière dont le candidat a entamé la campagne du second tour ne sont pas de nature à gêner son adversaire.

Un résultat qui avoisinerait les 40% pour la candidate fasciste serait catastrophique pour la suite, pour les élections législatives qui suivent, pour la gestion des cinq prochaines années.

Faire barrage à Marine Le Pen, par-delà la nausée. Parce qu'elle ment à la classe ouvrière. Parce qu'elle est l'ennemie intransigeante des syndicats et du monde associatif et solidaire, de la liberté d'expression, de la démocratie. On le sait ici, dans le Nord, où l'on voit le FN à l'œuvre dans la ville d'Hénin-Beaumont. Les gènes fascistes qu'elle portent sont indestructibles. Un pouvoir d'extrême-droite acquis dans les urnes fera tout pour détruire ce que nous sommes et pour se maintenir ensuite.

Reste le bulletin « Macron ». Le déposer dans l'urne, par-delà la nausée. Parce que, sans doute, c'est l'attitude la plus révolutionnaire à adopter ces jours ci. Parce que, sans doute, c'est façon la plus efficace de barrer la route au fascisme au-delà du quinquennat qui arrive. Parce que c'est le refus du fatalisme.

Philippe ALLIENNE

Publié dans Liberté Hebdo n° 1270 du 28 avril 2017.

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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 18:49

Media bashing

 

Jean-Luc Mélenchon à Lille, le 4 avril, brandissant la Une du Figaro qui l'a rebaptisé Maximilien-Ilitch.

(Ph Marc Dubois)

Les têtes couronnées des médias qui fabriquent du prêt-à-penser grincent des dents. Elles se sentent agressées par les candidats à la présidentielle. Pour elles, c'est impensable, quel que soit le camp d'où proviennent ces attaques. « La presse, c'est la démocratie ! » clame, dans un cri déchirant, la très émouvante Vanessa Burggraf. Elle, qui trouve normal de se payer la tête d'un ouvrier candidat en pouffant sur la question de l'interdiction des licenciements, sombre dans la dépression dès lors que l'on s'attaque, croit-elle, à ses idéaux d'adolescence.

Oui, les grands journalistes politiques sortent les griffes contre ces méchants candidats qui se livrent au « media bashing ». Mais jamais ils n'imaginent remettre en cause leur vieille et facile grille de lecture : celle des sondages. Ainsi, tant que le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, n'était crédité que de 12% des intentions de vote, les éditorialistes demeuraient quelque peu complaisants, n'osant pas, ou ne pensant pas ressortir leurs grossières attaques de la campagne présidentielle 2012. Benoît Hamon les rassurait même. Depuis que Mélenchon décolle, rien ne va plus. Tandis que les journalistes le poursuivent avec la question aussi récurrente qu'abêtissante : « Pensez-vous pouvoir gagner sans Hamon ? », les chroniqueurs de salon songent enfin à évoquer les programmes. Oubliant qu'ils ne listaient hier que dix mesures de « L'avenir en commun », ils découvrent le huitième point de la 62ème proposition et n'en retiennent que deux mots : « Alliance bolivarienne ».

Le candidat de gauche doit être celui qui fait peur. Alors, on dénonce un « scénario catastrophe », un « programme grossièrement démagogique », un excité que l'on rebaptise « Maximilien Ilitch Mélenchon », ou « Chavez français ». Et l'on cherche toutes les analogies possibles avec le Front national. Plus fachô que Le Pen, pareil que Staline ! Quand entendrons-nous : « Plutôt le fascisme que le soviétisme » ? Ils s'enfoncent tellement dans cette logique stupide qu'ils en ont mal au ventre. Ces médias, dits dominants, se plaignent de faire l'objet de « bashing » et jouent sur les peurs. Ce sont eux qui ont peur. Les sondages les trahissent en publiant des chiffres trop favorables à un candidat menaçant leur très chère orthodoxie libérale. Car hors de cette idéologie mortifère, ces fabricants de l'information sont perdus.

Philippe ALLIENNE

(Billet publié par Liberté Hebdo n° 1268 du 21 avril 2017)

 

 

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16 mars 2017 4 16 /03 /mars /2017 21:48

Les Fâcheux contre Molière

Que diable ces élus LR allaient-ils faire dans cette galère ? Afin de limiter le nombre de travailleurs détachés sur les chantiers publics, les régions dirigées par la droite ont trouvé le moyen de contourner la directive européenne en optant pour la préférence nationale chère à l'extrême droite. Comment ? En obligeant les entreprises qui répondent à leurs appels d'offre d'embaucher des ouvriers parlant le français. Officiellement, cette mesure est nécessaire pour que les travailleurs détachés comprennent clairement les consignes de sécurité sur les chantiers.

Dernière en date, la présidente de la Région Ile-de-France, Valérie Pécresse, vient de faire adopter ce que l'on appelle la « clause Molière ». En Auvergne-Rhône-Alpes, Laure nt Wauquiez l'avait devancée, tout comme la région Normandie et, il y a un an, la région Hauts-de-France. A Lille, le conseiller régional LR Sébastien Leprêtre nie toute volonté de stigmatiser et discriminer les salariés. Mais il avoue que la langue française fait figure d'excellent outil pour contrarier une directive qui « a créé un appel d'air avec beaucoup d'excès. »

Si l'on considère qu'un élu doit être exemplaire, ne conviendrait-il pas de le soumettre à la dictée de Prosper Mérimée avant toute validation de candidature ? Ce serait bien plus drôle que la course aux parrainages. Souvenons-nous :

« Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier. (...) » Encore s'agit-il ici de la version proposée par l'auteur. Après la réforme de 1990, il faudrait plutôt écrire  « ambigüité », « diner » et « cuisseaux », qu'ils soient de veau ou de chevreuil.

Quel bonheur ce serait d'entendre Frédéric Lefebvre défendre la « clause Jean-Baptiste Poclain » ! Que ne jubilerait-on en nous souvenant, avec Michel Sapin, que « l'endettement de la France n'a pas cessé de croisser » ! Que ne saurions-nous nous émouvoir devant le spectacle de Najat Vallaud-Belkacem se pâmant face au « professionalisme » des gendarmes de Tulle... Comment résister, encore, à l'art de tweeter de Nadine Morano ? « Il aura fallu 2 ans à François Hollande pour faire adopter la loi dite Florange qui restera dans les anales de l'inutilité ».

Lorsque la dictée de Mérimée fut proposée en 1857 pour amuser la cour de Napoléon III, l'empereur aurait fait 75 fautes, l'impératrice 62, Alexandre Dumas 24. L'ambassadeur d'Autriche, le prince Metternich, n'en n'aurait commis que trois. Les travailleurs détachés, à l'époque, tenaient haut la barre et auraient forcé l'admiration de M. Poquelin. Les Fâcheux ne savent pas.

Philippe ALLIENNE

Illustration : Construction Cayala.

(Billet publié par Liberté Hebdo n° 1263 du 17 mars 2017).

 

Pour les amateurs, voici le texte intégral de la dictée de Prosper Mérimée publié en 1900 par Léo Claretie :

« Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier.

Quelles que soient, quelque exiguës qu’aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d’en vouloir, pour cela, à ces fusiliers jumeaux et malbâtis, et de leur infliger une raclée, alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s'est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie.

Deux alvéoles furent brisés ; une dysenterie se déclara suivie d’une phtisie et l’imbécillité du malheureux s’accrut.

Par saint Martin, quelle hémorragie ! s’écria ce bélître.

À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent debagage, il la poursuivit dans l’église tout entière. »

 

 

 

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10 mars 2017 5 10 /03 /mars /2017 00:57

Mettre la transformation sociale au cœur des élections

Incroyable ! Ce jeudi 9 mars, la matinale d'une grande radio du service public a évoqué le journaliste François Ruffin. Voilà qui change. A l'occasion de la cérémonie des « Césars » lors de laquelle il a été distingué pour son film « Merci Patron », le 5 février, les grands médias avaient fort peu d'espace pour en parler. C'est que le Ruffin n'a pas rangé sa langue dans sa poche. Il l'avait fort justement utilisée pour dénoncer les fermetures et délocalisations d'usines. Et comme cette langue n'est pas faite de bois, cela avait donné quelque chose comme : « Ce sont les ouvriers qui sont touchés et les ouvriers, on n'en a rien à foutre ! ». Fichtre, bigre. Chez RTL, une autre grande radio du service privé et libéral avait alors eu un sacré problème de son tout en « informant » ses auditeurs qu'il y avait une polémique en plateau. Quelques minutes plus tard, elle était victime d'une (in)opportune coupure publicitaire (tandis que la « polémique » rebondissait). « Pas grave, avait gaillardement commenté le présentateur, c'était la remise des Césars du documentaire. On n'a pas perdu grand chose ».

Pourquoi citer ici Ruffin en long et en large ? Par copinage ? Oui, tout à fait. Il est journaliste, après tout, il est le créateur du « Fakir », à Amiens, et au début de sa carrière professionnelle, en 2003, il avait publié « Les petits soldats du journalisme », un livre qui n'avait pas fait plaisir aux écoles de journalisme puisqu'il y dénonçait la formation des « défenseurs de l'ordre médiatique » : « J’appartenais à une unité d’élite : le Centre de formation des journalistes (CFJ). Cette brigade produit des généraux trois étoiles : PPDA, David Pujadas, Laurent Joffrin, Pierre Lescure. Elle fournit surtout, chaque année, la chair à papier qui renforcera les garnisons de France 2, du Parisien, de l’AFP, du Monde... ».

En plus, il est candidat aux législatives dans la Somme. Ce type là est énervant pour les autres candidats, à la Présidentielle ou aux législatives, qui ont tant oeuvré pour faire patiner la campagne actuelle, qui imposent leur visage de faux-jeton en se posant en défenseurs du gaullisme et de la Vème République, qui ne pensent qu'à travers une Europe anti-sociale, qui se complaisent dans la défense et la continuité du libéralisme, qui suintent la peur et la haine devant les mouvements migratoire. Bref, toutes celles et tous ceux qui n'ont rien à foutre du peuple. Et Ruffin nous réveille en rappelant, le plus simplement, les saloperies qui se trament autour de la délocalisation en Pologne de Whirlpool, après Goodyear, après Continental. Ruffin nous réveille en soufflant que lque les ouvriers sont faits de chair et de sang et qu'ils méritent d'être considérés dans leur dignité.

L'Humanité des 6 et 7 mars demandait "comment mettre la transformation sociale à l'ordre du jour des élections de 2017". François Ruffin est justement l'un des rares à ne pas oublier cette nécessaire transformation sociale. Il faut mettre un terme aux tricheries et à la protection des « puissants », aux inégalités et aux discriminations, à la criminalisation du mouvement social et syndical. Il faut repenser l'indispensable émancipation des femmes et des hommes contre l'exploitation de l'homme par l'homme (femme comprise). 

Philippe ALLIENNE

(Billet publié par Liberté Hebdo du 10 mars 2017)

 

 

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3 mars 2017 5 03 /03 /mars /2017 12:12

L'entreprise privée

met le TGV sur autoroute

 

Mais que faisait donc François Hollande ce mardi 28 février à  Villognon, une bourgade d'environ 300 habitants, au nord d’Angoulême ? Il inaugurait, non pas les chrysanthèmes, mais la nouvelle ligne à grande vitesse (LGV) entre Tours et Bordeaux. 300 km qui mettront Paris à 2 heures de la capitale girondine.

Ces 300 kilomètres représentent un investissement de 7,6 milliards d'euro financé à plus de 50% par des capitaux privés versés par Lisea, un consortium détenu à un tiers par la société Vinci. En 2011, il a obtenu une concession de 50 ans pour construire, gérer et assurer la maintenance de cette ligne à grande vitesse. Les voyageurs peuvent déjà se questionner sur leur sécurité. Mais cette ligne sera gérée comme une autoroute.

La dernière LGV, entre Paris et Strasbourg, avait été financée à 80% par des fonds publics, un système qui fait désormais partie de l'Histoire, depuis que Nicolas Sarkozy a entériné en 2007 la privatisation du rail français et lancé quatre projets de LGV. Or, il y a dix ans, Réseau ferré de France (RFF), gestionnaire du réseau ferré, n'avait plus les moyens de financer les LGV qui se décidaient (Nicolas Sarkozy en avait lancé quatre). RFF, devenu aujourd'hui SNCF Réseau, s'en est donc remis aux investisseurs privés. Pour paraphraser une célèbre série américaine, « le plan s'est déroulé sans accroc ». Mais les usagers, ou plutôt les clients, vont-ils adorer ? Car nous assistons à un chagement radical de logique.

Avant la privatisation, le gestionnaire du réseau, RFF (SNCF Réseau), percevait les redevances dues pour l'utilisation de l'infrastructure. Elles étaient payées par le contribuable. A présent, c'est l'opérateur privé, en l'occurence Vinci, qui va percevoir non une redevance, mais un péage qui sera inclus dans le prix du billet des voyageurs. Le montant de ce péage dépendra du nombre de trains et non plus du nombre de voyageurs qui emprunteront le réseau. Et Vinci a obtenu plus de 33 aller-retour, dont 18 TGV directs entre Paris et Bordeaux. Cela permettra à la société privé de s'assurer un revenu annuel de 250 millions d'euros.

Le démarrage commercial de la ligne est prévu le 2 juillet. On ne connaîtra les nouveaux tarifs que le 13 mars. Augmenter les tarifs tout en développant sa clientèle, tel est le pari de la SNCF qui table sur 2 millions de voyageurs supplémentaires d'ici 2019. Elle avoue en même temps que la ligne ne sera pas rentable et entraînera même, sur son budget 2017, une perte de 90 millions d'euros pour les six premiers mois d'exploitation. Elle sera pourtant prolongée vers Toulouse et Dax. Les sociétés Eiffage et Bouygues sont partenaires pour les lignes Le Mans-Rennes (qui démarre elle aussi le 2 juillet) et la future Nîmes-Montpellier.

Philippe ALLIENNE

(Billet publié par Liberté Hebdo du 3 mars 2017)

 

 

 

 

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23 février 2017 4 23 /02 /février /2017 20:55

Salauds de pauvres

Supprimer les pauvres. Voilà un programme qui devrait faire l'unanimité des candidats libéraux à la Présidentielle. Un programme de droite. Parce que les pauvres emmerdent cette société en l'empêchant de se développer. Ils donnent mauvaise conscience et ils coûtent cher. En plus, ils ne sont pas beau, ils sont grotesques et répugnants. Les pauvres, c'est la chienlit du système qui repose sur les banques, la finance et le profit. Les pauvres font chier, les pauvres chient au lit. Il faut les é-ra-di-quer.

Fort heureusement, les cathos pratiquants, les enfants de Rotshild, les amants de la fleur de lys, les héritiers de Vichy comme ceux de Von Hayek et de l'École de Chicago, les bons élèves de Bruxelles ont bien compris et sont à l'œuvre. Dans le viseur : les tricheurs et les distraits qui profitent du RSA. Le département du Nord compte 115 000 allocataires du Revenu de solidarité active. Le Conseil départemental a identifié 45 000 d'entre eux qui ne sont pas en règle. Soit ils ne sont pas inscrits à Pôle emploi (découragés, radiés, ou distraits ?), soit ils ne font rien pour se « réinsérer ». Alors, la traque a commencé.

A cette heure, ou presque, 7500 allocataires ont vu leur RSA réduit de 100 euros. Pour 450 autres, parce qu'ils n'ont pas répondu aux lettres de relance, c'est la suspension pour quatre mois. 535,17 € par mois, pour une personne seule, moins 100 € conduit l'allocataire sanctionné à vivre avec 435,17 euros. Avant d'être radié de pôle emploi. On oublie de dire que les personnes à la rue, qui sont domiciliées dans une association (type Secours populaire) pour la réception de leur courrier, ne pensent pas forcément à relever leur boîte aux lettres. Pour le président du Conseil départemental du Nord, la stigmatisation et la punition des plus démunis est une « question de vie ou de mort ». Certes, cela ne peut que faire augmenter le taux de chômage, mais l'État ayant diminué radicalement ses aides aux collectivités, le Département n'a d'autres choix que de faire la chasse aux allocataires qui ne sont pas en règle.

Dans cette logique, il n'y a guère de raison d'aller beaucoup plus loin dans la chasse aux chômeurs. Ainsi, les candidats Fillon et Macron ne se gênent-ils pas pour cibler et détruire le système d'assurance-chômage. Le premier espère économiser 10 milliards d'euros en remettant la dégressivité des allocations chômage sur le tapis et en s'attaquant aux chômeurs les plus pauvres qui souffriraient d'une diminution drastique de cette allocation. Il veut aussi que l'État ne soit plus garant de la dette de l'Unedic, une mesure qui aurait pour conséquence d'augmenter le déficit de celle-ci ! Quant au candidat Macron, il souhaite transformer l'assurance-chômage en... nouveau RSA !

En toile de fond, les Caisses d'allocations familiales se félicitent de leur efficacité en matière de lutte contre la fraude sociale. 43 000 fraudes (notamment au RSA) pour un montant de 275 millions d'euros auraient été détectées l'an dernier. Pour les candidats libéraux, cela représente une manne qui, à terme, devrait se chiffrer à plusieurs dizaines de milliards d'euros et permettrait de financer de nouvelles dépenses. Sauf que rien ne prouve la pertinence de cette prévision. Les salauds de pauvres ont toujours eu bon dos.

 

Philippe ALLIENNE

(Lire, sur ce sujet, Liberté Hebdo du 24 février 2017)

 

 

 

 

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