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15 décembre 2016 4 15 /12 /décembre /2016 13:37

Ouh la menteuse !

 

Quelques heures avant l'intervention télévisée de François Hollande, annonçant qu'il ne briguerait pas un second manda, Emmanuelle Cosse était au micro d'Europe 1 pour défendre le bilan de son futur ex-patron. Un bilan tellement brillant, expliquait-elle en substance, que sa candidature ne pouvait faire aucun doute.

Parmi les réussites dont elle le crédite, elle énumère allègrement la baisse du chômage, l'amélioration du logement et le recul de la pauvreté. Il ne manque au tableau que la disparition définitive de la pollution mondiale.

La pauvre. Écrasée par le travail, elle n'a guère le temps de s'informer. Nous lui offrirons un abonnement à Liberté Hebdo. Elle découvrira par exemple que su la construction de logements a certes augmenté, les mesures de défiscalisation dont profitent les bailleurs privés n'ont aucun effet sur les « bas revenus ». Ou plutôt si : pour eux, l'accès au logement est toujours aussi galère. Le Smic, qui n'évolue pas, les pensions bloquées pour les retraitées, la précarisation galopante du travail, la plus grande souplesse donnée aux employeurs pour licencier (merci, Mme El Khomri) sont autant de freins à une vie décente dans un logement, non pas douillet, mais simplement digne.

S'agissant du chômage, Mme Cosse apprendra en lisant Liberté Hebdo et l'Humanité, qu'aucune manipulation des statistiques ne saurait enrayer en quelques mois les 500 000 chômeurs en plus qui se sont inscrits à Pôle emploi depuis l'arrivée de François Hollande à l'Elysée. Or, le chômage a cela de particulier qu'il produit plutôt des pauvres que des riches. S'agissant enfin de ce recul de la pauvreté évoqué par la ministre, l'Observatoire des inégalités souligne qu'il est difficile d'en mesurer l'évolution puisque l'Insee a changé deux fois de méthode pour évaluer les revenus, en 2010 et en 2012. Avec le même revenu, une personne pauvre en 2011 ne l'est plus en 2012 ! Mais l'écart entre les plus pauvres et les couches moyennes se creuse de plus en plus. Actuellement, une personne sur sept vit sous le seuil de pauvreté en France. Selon les chiffres de l'Insee, en 2015 on comptait 8,9 millions de personnes pauvres, soit 14,3% de la population. Un chiffre qui ne cesse de progresser. Face aux propos de la ministre, près de 9 millions de personnes doivent se sentir bien seules et bien méprisées. 

Philippe ALLIENNE

Publié par Liberté Hebdo du 9 décembre 2016

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25 novembre 2016 5 25 /11 /novembre /2016 19:05

Un sans faute contre les salariés

 

Le président qui parle à l'oreille des journalistes ne mérite pas d'être ainsi chahuté. Doté d'un sens du devoir hors du commun, il n'aura eu de cesse de préparer sa succession à l'Élysée et celle de ses compagnons au Parlement. Pour que la droite puisse succéder correctement à la droite, il faut mouiller le costume. C'est fait. Peu importe que les syndicats poursuivent leur action contre l'application de la loi Travail. Les premier décrets d'application, relatifs au temps de travail et à la primauté des acccords d'entreprise sur les accords de branche, sont publiés depuis le week-end dernier. Casser du travailleur, casser de l'ouvrier, cela demande beaucoup d'abnégation. « Nous avons voulu aller vite afin que les acteurs de l'entreprise aient tous les outils pour commencer à négocier », a expliqué l'entourage de la ministre qui laissera son nom à la loi scélérate. Que dire, sinon merci ! Les « acteurs de l'entreprise » peuvent négocier dare dare, en attendant une application de cette partie de la loi dès le 1er janvier.

Des centaines d'autres décrets vont arriver dans les prochains mois. Ce sera long mais béton. En revanche, pas besoin de décret pour l'article 67 de la loi Travail. Celui-là entre en application dès ce 1er décembre (un jeudi, vous savez, le jour des manifs). L'article 67, c'est celui qui porte sur le licenciement économique. Cette grosse affaire ne date pas d'hier. La loi du 25 juin 2008 déjà (tiens, la droite!) permet le licenciement économique en cas de « difficultés économiques » ou pour permettre «  des mutations technologiques » et si le salarié refuse une transformation de son emploi.

La loi El Khomri va plus loin en codifiant la jurisprudence (oui, les juges appliquaient déjà en douce) : l'employeur peut maintenant s'appuyer sur la « réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ». La loi précise par ailleurs que c'est au niveau de l'entreprise que s'apprécie « la matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification du contrat de travail ». Si une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques s'apprécient au niveau du secteur d'activité de ce groupe. S'il s'agit d'un groupe international, on prendra en compte les sociétés du secteur d'activité situées à l'étranger.

Preuve est ainsi faite que la droite sociale libérale a très bien succcédé à la droite sarkoziste en vue d'un passage de relais à une droite ultra conservatrice et thatchérienne. Oui, pauvre Martin, pauvre misère, François Hollande et son équipe accrochée à l'Union européenne libérale auront réalisé un CDD sans faute. Contre les salariés.

 

Philippe ALLIENNE

 

Publié dans Liberté Hebdo n°1247 du 25 novembre 2016

 

 

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19 novembre 2016 6 19 /11 /novembre /2016 12:01

Deux lumières s'éteignent

 

Loin des débats stériles et de l'islamophobie ambiante, Malek Chebel était un ardent et brillant avocat de l' « Islam des lumières ». Sous ce titre prometteur, il faut comprendre un islam lu, compris et vécu dans un monde moderne, un islam qui n'a rien à voir avec les interprétations moyen-âgeuses, réactionnaires et mal digérées de « barbus » souvent ignares et/ou assoiffés de pouvoir.

Malek Chebel était un libre-penseur. Anthropologue des religions et psychanaliste, il considérait que la religion devait rester l'affaire des individus et, à ce titre, demeurer dans la sphère privée. Pour lui, il ne doit y avoir aucun lien avec le politique. En ce sens, l'islam politique est un oxymore. Parmi son œuvre littéraire, on retiendra « L'Islam pour les nuls », « Le Coran pour les nuls », son « Dictionnaire amoureux de l'islam », « L'érotisme arabe » et, bien sûr, sa nouvelle traduction du Coran, « accessible à tous » à laquelle il avait consacré dix ans de sa vie. Grand défenseur de la culture arabe qu'il s'est évertué à faire connaître, il manquera incontestablement aux victimes de l'ignorance et de la haine ordinaire tellement bien diffusée aujourd'hui. Les pseudo-intellectuels tant chéris des médias ne pourront ignorer sa pensée et ses travaux et n'en seront que plus ridicules quand ils déverseront leurs torrents de boue.

Malek Chebel s'est éteint le 12 novembre à l'âge de 63 ans. Au même moment, à La Réunion, mourrait une autre grande figure. A 91 ans, Paul Vergès était entré dans l'Histoire. Beaucoup moins médiatisé que son frère, l'avocat Jacques Vergès disparu en 2013, il avait été élu une première fois en 1955 comme conseiller général. Il sera ensuite élu trois fois député, deux fois député européen, deux fois sénateur et deux fois président de région. Durant la seconde guerre mondiale, il avait 17 ans lorsque, avec son frère, il avait rejoint les Forces françaises libres. Militant anti-impéraliste depuis sa jeunesse, il avait fondé le parti communiste Réunionnais. Son engagement politique lui avait d'ailleurs valu plusieurs condamnations.

Paul Vergès était viscéralement attaché à La Réunion dont il avait d'abord souhaité l'indépendance. Jusqu'au bout de sa vie, il a lutté contre la misère sociale et le retard économique dont souffre son île. Il est aussi l'un des premiers à avoir prôné son autonomie énergétique et mis en garde contre le réchauffement climatique.

A l'annonce de la disparition de Malek Chebel et de Paul Vergès, les élus de droite et socio-libéraux se sont unis dans un même concert de louanges. Si l'exemple lumineux de ces deux hommes pouvait au moins les réveiller. Mais ils savent bien que ni les promesses, ni les louanges ne sauraient les engager.

 

Philippe ALLIENNE

Publié dans Liberté Hebdo n° 1246 du 18 novembre 2016

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11 novembre 2016 5 11 /11 /novembre /2016 17:04

Au feu, les pompiers, v'là la maison qui brûle !

L'ambiance qui préside à la 22ème conférence des parties sur le climat (COP22) est bien loin de l'optimisme et du satisfecit qui avaient conclu la précédente, l'an dernier au Bourget. Réunie à Marrakech du 7 au 18 novembre, elle est censée lancer la mise en œuvre des engagements pris par les États et par le secteur privé. Le 12 décembre 2015, Laurent Fabius (alors à la manœuvre de la COP21 et de l'accord de Paris sur le climat) et François Hollande n'en pouvaient plus de se réjouir. 195 pays -dont la Chine et les États-Unis- venaient de s'engager sur un objectif ambitieux : limiter la hausse de la température moyenne de la planète à un seuil inférieur à 2%, voire à 1,5% d'ici la fin du siècle, par rapport à la température enregistrée durant l'ère pré-industrielle. Plus précisément, ces États s'engageaient à mener des actions pour atteindre cet objectif.

L'accord de Paris est entré en vigueur le 4 novembre, c'est-à-dire quelques jours avant la tenue de la COP22. Pour autant, il y a loin de la coupe aux lèvres. Laurent Fabius lui-même, de son bureau de président du Conseil constitutionnel, s'inquiète et rappelle que « notre maison continue de brûler ». Pour atteindre l'objectif des 2%, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) préconise une réduction de 40 à 70% des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. L'accord de Paris n'en pipe mot. Au contraire, ce texte exonère des secteurs économiques (comme les transports aériens) de tout effort spécifique. Concernant le montant des « financements climats » auxquels les pays doivent contribuer, le flou demeure. Le fonds de 100 milliards de dollars par an, promis dès 2009 et rappelé par la Cop21 (mais qui ne figure pas dans l'accord de Paris) serait d'une utilité vitale pour les pays du Sud. D'autant que certains d'entre eux, comme le Sénégal, lancent des programmes d'énergie renouvelables. Outre que l'Onu et les Ong calculent différemment les sommes versées en 2013 et 2014, ces financements seraient au mieux de 41 milliards de dollars par an (selon l'Onu), au pire de 11 à 21 milliards selon Oxfam France.

A Marrakech, on attend des pays participants qu'ils présentent au moins des « plans climats » convaincants, avec de vrais projets de transition énergétique ou de transformation des systèmes agricoles, par exemple. Mais chacun s'accorde déjà à dire que la COP22 restera limitée à des déclarations politiques. Quant au réchauffement climatique, on risque d'entendre cette vieille comptine : « Au feu, les pompiers, v'là la maison qui brûle (…). C'est pas moi qui l'ai brûlée ».

PhA

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30 octobre 2016 7 30 /10 /octobre /2016 11:32

Vous avez demandé la police républicaine ?

Quand Renaud, extirpé de sa peau de renard, écrit et chante qu'il a « embrassé un flic », on comprend que l'ex-révolté de l'hexagone a laissé sa désespérance dans les HLM toujours aussi blêmes. Quand des salauds assassinent des journalistes et des amateurs de zizique trop heureux de vivre, le vieux loubard périphérique voit le policier d'un autre œil. Il a raison. Mais en reprenant les vers apaisés du chanteur, et en les mêlant à une Marseillaise martiale et vengeresse, les policiers en colère sont-ils dans le même état d'esprit ? On peut en douter s'agissant du mouvement autonome qui a vu le jour le 17 octobre à Paris avant de s'étendre dans les autres grandes villes du territoire.

La police est indispensable pour servir et protéger le peuple et la République. Elle a besoin des moyens adéquats pour assurer sa mission. C'est indiscutable. En ne recevant ses représentants que dans un contexte de crise (Viry-Chatillon cette année, fusillade en Seine-Saint-Denis l'an dernier), le président de la République ne fait que souligner les insuffisances de l'État, pour ne pas dire les reculs en terme de moyens humains.

Le risque alors est grand de voir une partie des forces de l'ordre se retourner contre l'État lui-même. Les 250 millions d'euros qui viennent d'être promis pour améliorer les équipements des forces de l'ordre risquent de ne pas calmer les policiers qui manifestent depuis deux semaines et qui se lâchent en invectives sur la « racaille ». On les a vu visages dissimulés, portant parfois des masques représentant la mort. On les a entendu s'en prendre à leurs syndicats et aux politiques avec une agressivité insupportable : «On ne veut plus discuter, on ne veut plus des syndicats, on ne veut plus des politiques, maintenant, il vont la fermer et nous écouter. C'est nous qui décidons ». Tout cela à quelques pas de l'Élysée, et sous la houlette d'un porte-parole très fort en gueule mais oubliant de dire qu'il n'est pas policier lui-même, et qu'il est un militant d' extrême-droite.

Ce n'est certainement pas cette police là que nous avons envie d'embrasser. Cette police qui appelle à la solidarité des citoyens est celle qui les tabasse lorsqu'ils se battent contre les reculs sociaux, contre les mesures libérales qu'on leur impose, lorsqu'ils demandent que l'on ne fasse pas régresser la démocratie. Le peuple a besoin d'une police. Mais d'une police républicaine.

 

Philippe ALLIENNE

Liberté Hebdo n°1243 - 28 octobre 2016

 

 

 


 

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21 octobre 2016 5 21 /10 /octobre /2016 00:35

Alep, rien de nouveau

 

L'arrêt des raids aériens russes et syriens sur les quartiers Est d'Alep, mercredi 19 octobre, et la courte "trêve humanitaire" annoncée par Moscou ne laissent personne dupe des intentions de Bachar al Assad et de son allié russe, peu enclin à la recherche d'une solution politique après cinq ans de guerre.

On peut cependant très légitimement s'interroger sur le traitement médiatique de ce conflit et sur les termes utilisés. Les "rebelles" dont parlent la plupart de nos médias sont en majorité des djihadistes. Ils n'ont rien de ces héros combattant l'oppresseur et que nous montrent les chaînes publiques. Les démocrates de 2011 se sont effacés face aux djihadistes qui tiennent majoritairement les quartiers Est d'Alep. Les "rebelles"sont essentiellement des membres de l'ex-Front Al-Nosra (une branche du sinistre Al Qaida) devenu Front Fatah al-Cham (seul le nom a changé, l'esprit et les objectifs demeurent) et des membres du groupe salafiste Ahrar al-Cham. Ils sont tous des concurrents de Daech. Les premiers sont soutenus par les occidentaux, les seconds sont soutenus, armés et financés par l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie. Il y a bien encore quelques combattants de l'Armée syrienne libre (ASL) à Alep, mais celle-ci a été éparpillée après la pâtée que lui a administrée Al-Nosra. On la retrouve surtout dans le sud de la Syrie où elle a conclu des alliances avec les djihadistes. Parler de "rebelles modérés" revient à se moquer du monde ou à pratiquer la politique de l'autruche.

Tandis que le ministre des Affaires étrangères français parle de traduire Vladimir Poutine devant la Cour pénale internationale pour "crimes de guerre", les "rebelles" djihadistes pilonnent la partie ouest d'Alep (celle que maîtrisent les partisans d'Al-Assad) sans se soucier eux non plus de la population civile. Aux dernières nouvelles, ils n'ont d'ailleurs pas respecté le cessez-le-feu. Cette guerre est particulièrement sale. L'hypocrisie des occidentaux, des pays du Golfe et de la Turquie est peu ragoûtante. On trouve peu d'émotion, par exemple, face aux bombardements saoudiens sur le Yemen.

La stratégie, servie par les médias occidentaux, voulant distinguer avec simplisme entre le camp des méchants (Assad et Poutine) et celui des gentils (les djihadistes rebaptisés "rebelles" mais que l'on poursuit partout ailleurs) ne peut cacher les intérêts occidentaux. La découverte de ressources pétrolières et gazières en Méditerranée font de la Syrie une zone dont les puissances occidentales ne peuvent se désintéresser.

Philippe ALLIENNE

Liberté Hebdo n° 1242 - 21 octobre 2016
 

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13 octobre 2016 4 13 /10 /octobre /2016 23:44

La tentation Maggie


 

Lorsque l'on a cru percevoir des accents de keynésianisme chez Theresa May, Premier ministre conservateur du Royaume-Uni depuis juillet, et en écoutant sa volonté de réformer le capitalisme, on a pu se dire que le thatchérisme faisait partie du passé. De ce côté ci de la Manche, pourtant, les prétendants à l'Élysée, déclarés ou non, semblent plutôt s'intéresser à Margaret Thatcher et à l'ensemble de son œuvre de la décennie quatre-vingt qu'à l'actuelle locataire de Downing Street.

Juste avant l'ouverture des Primaires à droite, l'hebdomadaire Le Point consacre sa couverture à la « Dame de fer » disparue en 2013. C'est que les discours de cette dernière sont désormais traduits en français, une publication que l'hebdomadaire libéral de Franz-Olivier Giseberg qualifie « d'événement éditorial ». « Thatcher, le meilleur programme pour 2017 ? », s'interroge-t-il en estimant que « la France d'aujourd'hui ressemble au Royaume-Uni de 1979 », date de l'arrivée au pourvoir de Margaret Thatcher.

Est-ce à dire que comparaison est raison et qu'il faut appliquer à la France les mêmes remèdes que ceux qui ont été imposés à un Royaume-Uni dont on disait il y a 35 ans qu'il était « l'homme malade de l'Europe » ? Sans aller tout à fait jusque là, on découvre l'admiration que portent à Mme Thatcher la plupart des candidats de droite. François Coppé loue sa méthode de commandement qui a permis les réformes drastiques du Royaume. Bruno Lemaire note qu'elle est parvenue à faire ce « qu'aucun politique français n'a réussi à faire depuis trente ans : redresser son pays en allant au bout des réformes ». Nathalie Kosciusko-Morizet, qui veut une « Nouvelle France » revendique un « thatchérisme modernisé » et entend « supprimer 100 milliards des charges et impôts qui pèsent sur les entreprises » et en prioriser le travailleur indépendant par rapport au salarié. Quant à Mathieu Laine, essayiste proche d'Emmanuel Macron, il salue la lucidité de François Fillon qui invoque Margaret Thatcher. Mais il fait confiance à l'ancien ministre de l'Économie pour endosser le tailleur bleu de la libérale britannique.

L'air de rien, voilà les politiques défenseurs du libéralisme et de l'austérité en train de remettre au goût du jour la bataille, vieille de 80 ans, entre les économistes John Maynard Keynes et son contradicteur, pape de l'ultra libéralisme, Friedrich August Von Hayek. C'est ce dernier qui a le plus inspiré la politique de Margaret Thatcher : haine du socialisme, refus de la « démocratie illimitée » plaidoyer pour un « gouvernement limité » et une réduction de la taille de l'État au profit de l'initiative privée. Effectivement, Mme Thatcher a été bonne élève de Von Hayek. Elle a commencé par briser la grève des mineurs de 1984 en la déclarant illégale. Les syndicats ont été mis au tapis et on a fait porter le chapeau au dirigeant du syndicat des mineurs, Arthur Scargill, accusé de ne savoir, par extrêmisme, composer avec les syndicats réformistes. Voilà qui n'est pas sans rappeler des faits récents, en France, à l' encontre de la CGT et de son dirigeant Philippe Martinez ! Les privatisations (télécommunications, gaz, transports ferroviaires et aériens...) ont été multiples, les services publics ont été attaqués.

35 ans après, sous David Cameron, le croissance économique s'est ralentie, le chômage est reparti et les contrats de travail ultra-précaires se sont développés. Mais les dépenses publiques ont été maîtrisées, le remboursement de la dette s'est fait au prix de l'austérité, au Royaume-Uni comme à l'échelle européenne où l'on étouffe des pays comme la Grèce. Beau modèle en effet. Où sont les perspectives promises par ces experts d'un autre monde ?


Philippe ALLIENNE

Liberté Hebdo n° 1241 - 14 octobre 2016

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7 octobre 2016 5 07 /10 /octobre /2016 09:23

Un si joli village

 

Gussignies, son clocher, son château du XVIIIème siècle, sa brasserie célèbre pour sa cuvée des Jonquilles, une blonde qui la dispute à l'ambrée et à la brune des Saison Saint-Médard. Gussignies, un peu de moins de 400 âmes dans un écrin de verdure de l'Avesnois. Une de ces « petites France » chères à Pierre Bonte, l'inventeur du bonheur dans le pré.

Gussignies vient de frissonner en essuyant un coup de tonnerre épouvantable. Virgine Klès, sous-préfète d'Avesnes-sur-Helpe, avait en effet prévu d'y installer 60 migrants. Elle a agi dans le cadre du plan de répartition du gouvernement selon lequel les Hauts de France doivent accueillir un millier des réfugiés qui sont actuellement dans la jungle de Calais. 

On apprécie au passage la délicatesse avec laquelle l'État français traite le dossier des migrants. Il n'empêche, les Gussigniens ont fait preuve d'un esprit grégaire particulièrement aigu pour dénoncer une tentative de passage en force et pour ester en justice. Ils ont gagné, la sous-préfecture a renoncé à son projet.

Interrogés par la chaîne publique régionale France3, les habitant de ce si joli village se livrent, sans véhémence et sans haine (c'est d'autant redoutable) au jeu de la vérité. Celle qui vient du cœur. « Imaginez des gens de 25-30 ans toute une journée ici, à ne rien faire ! » compatit faussement une brave paroisienne. Comprenez : « notre village est trop isolé et n'offre aucun avenir pour les migrants ». C'est oublier ces autres villages qui, mourrant dans leur isolement, ont pu renaître grâce à l'arrivée de migrants qui se sont immédiatement mis au travail.

Mais le plus bel aveu vient de ce jeune et séduisant brasseur au style gendre encore idéal : « L'État déplace le problème (les migrants) devant notre terrasse, dénonce-t-il. Nos clients ne trouveront plus ce qu'ils viennent chercher depuis 40 ans ». Traduction : le tourisme ne saurait souffrir la présence de quelques dizaines d'étrangers fuyant la guerre. « Les migrants représentent une menace pour la paix de notre village ». Gussignies : ses trois restaurants, sa brasserie, son gîte rural , son haut débit, son revenu par habitant supérieur de 25% à la moyenne nordiste, et sa nouvelle bière nommé « Noblesse oblige » destinée à l'exportation vers les États-Unis.

Certains météorologues annoncent un hiver rigoureux. Très rigoureux. A Gussignies, près de 400 âmes frileuses s'emmitoufflent sous le vent glacial qui a commencé à souffler. A l'entrée de la commune, une pancarte prévient : « Pas de migrants dans nos villages ».

 

(publié par Liberté Hebdo n°1240 du 7 octobre 2016)

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30 septembre 2016 5 30 /09 /septembre /2016 19:58

Un peu de liberté contre une illusion de sécurité

 

Inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (que l'on retrouve au préambule de la Constitution) et garanti par la Convention européenne des droits de l'homme, le droit de manifester ne devrait souffrir d'autres restrictions que celles prévues par la loi (trouble à l'ordre public ou mots d'ordre contraires à la loi).

Or, ces derniers temps, les atteintes à ce droit ont une fâcheuse tendance à se répéter. Et la crainte pour l'ordre public a souvent bon dos. Les opposants à la loi Travail l'ont cruellement vécu lorsque les pouvoirs publics leur ont dans un premier temps interdit de marcher et, dans un second temps, ont réduit leur parcours en un circuit ridicule.

A Lille, le préfet n'a pas autorisé ceux qui s'indignaient de l'ouverture, au cœur de la ville, d'un lieu de ralliement et d'entraînement pour les « identitaires », à protester de trop près. Tandis que les xénophobes, racistes, bas du front et fascistes authentiques arboraient fièrement leurs muscles tout en rappelant que seuls les blancs, chrétiens de préférence, sont autorisés à fréquenter leur établisse ment privé. Un lieu certes « privé » mais qui s'interdit de respecter la loi en affichant clairement son racisme et ses idées fascistes.

La dernière interdiction en date vient de la préfète du Pas-de-Calais. Dans un arrêté daté du 29 septembre, elle « interdit toute manifestation revendicative en lien avec la question des migrants à Calais et dans plusieurs communes du calaisis, le samedi 1er octobre ». La représentante de l'État vise ainsi une « coalition internationale des Sans-papiers et migrants » qui envisageait l'organisation d'un rassemblement sur le campement de la Lande suivi d'une manifestation en direction du centre ville de Calais.

La préfecture craint des débordements et des risques d'affrontements entre « extrémistes d'ultra-gauche et d'ultradroite ». Elle met aussi en avant « la très forte mobilisation des forces de l'ordre pour lutter contre l'immigration clandestine et prévenir la menace terroriste qui ne permet pas de dégager des moyens supplémentaires pour assurer la sécurité du cortège ».

Passons sur l'interdiction, lors de la coupe du monde, d'afficher des signes ou slogans politiques ou syndicaux contre la loi Travail. Mis bout à bout, ces mesures sont particulièrement inquiétantes. Elles s'attaquent aux revendications sociales, aux convictions politiques, au militantisme anti-raciste, aux défenseurs des droits de l'homme, à ceux qui sont convaincus que la liberté de circuler par delà les frontières est un droit humain fondamental.

A céder un peu de liberté contre un peu de sécurité, disait Benjamin Franklin, on perd l'une et l'autre.

 

Ph A

 

 

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29 septembre 2016 4 29 /09 /septembre /2016 22:27

Soeur Sourire et le trou de la Sécu

 

Au matin du 26 septembre, alors que François Hollande était en visite dans le Calaisis (en prenant soin d'éviter la terrible jungle), les commentateurs des grands médias de la radio et de la télé ne semblaient pas au courant des derniers chiffres du chômage dont la publication était prévue en fin de journée. Décidément, le président n'a vraiment pas de bol. Alors que l'on voulait nous faire avaler une hypothétique inversion de la courbe du chômage, le verdict est tombé froidement : 50 200 chômeurs supplémentaires en août. Soit une hausse de 1,4%, la plus forte depuis janvier 2013. Tous ne meurent pas, mais tout le monde est touché : les moins de 25 ans (+2,3%), les 50 ans ou plus (+1,2%), les demandeurs d'emploi de longue durée (+0,5%).

Ainsi, plus le président s'avance vers l'annonce d'une candidature à sa succession, plus les chiffres se montrent têtus. Pourtant, dans les ministère (celui de Myriam El Khomri en l'occurence) et à l'Élysée, l'optimisme ne se laisse pas entamer. La minsitre du Travail rappelle que le chômage a effectivement régressé globalement depuis le début de l'année. Et puis, elle explique les chiffres calamiteux du mois d'août par les conséquences des attentats et... des grèves contre la loi Travail ! Il fallait tout de même y penser. D'ailleurs, la ministre prévoit une embellie dans les mois qui viennent. Dommage que l'Unédic la contredise en annonçant 79 000 chômeurs de plus l'an prochain en raison d'un ralentissement de la croissance.

Là encore, sur la croissance, le gouvernement entend se persuader qu'elle sera de 1,5% cette année et l'année prochaine. Il la voit donc supérieure à ce que sera probablement le PIB (le produit intérieur brut) dont les spécialistes disent qu'il ne dépassera pas 1,3% ! Du reste, le budget 2017 qui vient d'être présenté (ce 28 septembre) est bien loin de convaincre le Haut conseil des finances publiques. Outre l'optimisme débridé tel qu'il est affiché, le HCFP souligne par exemple la discrétion du projet de loi de finances sur la recapitalisation d'EdF et d'Areva (respectivement 4 et 5 milliards qu'il faut trouver).

Reste pourtant un dernier sourire. Celui du désespoir ? Il est arboré par Marisol Touraine. La ministre de la Santé ne se sent pas de joie d'avoir résorbé le déficit de la Sécurité sociale. Elle en est certaine, ce sera effectif dès 2017. Dans le camp de la droite, on lui fait gentiment remarquer que ce résultat est dû, en grande partie, à la réforme du régime des retraites menée en 2010 par le gouvernement Fillon ! Pour qui avait des doutes, on sait définitivement dans quel camp se range le Parti socialiste au pouvoir. Celui de la rigueur et de l'austérité droitières. La sénatrice communiste du Nord, Michèle Demessine, ne s'y trompe pas quand elle rappelle la dégradation de la prise en charge des soins.

« Après avoir repoussé l’âge de départ à la retraite en 2014, supprimé l’universalité des prestations sociales en 2015, imposé une cure d’austérité sans précédent de 11 milliards d’euros pour les hôpitaux, le gouvernement se félicite donc d’avoir « sauvé la Sécurité sociale » . Je tiens à dénoncer avec force ce mensonge de la part d’un gouvernement qui n’a eu de cesse de poursuivre la politique libérale en réduisant les moyens des hôpitaux, en exonérant les entreprises et en mettant à mal les principes fondateurs de la Sécurité sociale », écrit Michèle Demessine.

De quoi freiner les ardeurs des frères et sœurs Sourire du gouvernement.

 

Philippe ALLIENNE

 

(Publié par Liberté Hebo dans son édition du 30 septembre 2016)

 

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